Le chef de l'Etat français a consenti pour les années 2007-2013 un plafonnement des subventions directes au niveau de 2006, augmenté au maximum de 1% pour tenir compte de l'inflation. Ce sacrifice représente une révolution au regard des positions traditionnellement défendues par la France, car il mettra au régime ses exploitants, jusqu'alors premiers bénéficiaires de la PAC: l'UE élargie partagera en effet à 25 un gâteau auparavant divisé entre 15.
En revanche, il assure jusqu'en 2013 la pérennité, voulue par Paris, d'une enveloppe globale d'aides directes dont le commissaire européen à l'Agriculture, Franz Fischler, souhaitait amorcer dès 2004 la réduction et la réorientation progressive vers des projets de développement rural. "La réforme Fischler reste sur la table mais pour l'application avant 2006, c'est terminé", a résumé une source communautaire à l'issue vendredi du sommet de Bruxelles. "Chirac est démoniaque. Il a réussi à arrêter le budget de la PAC pour 2007-2013. Je ne vois pas un seul membre de la FNSEA lever le petit doigt contre l'accord d'aujourd'hui", a-t-elle ajouté, en référence au principal syndicat agricole français, farouche adversaire des plans de la Commission. Le président Chirac s'est réjoui à Bruxelles que les "règles du jeu" de la PAC" ne soient "pas modifiées jusqu'en 2006". Son principal allié sur la question, Jose Maria Aznar, est allé plus loin. "On a réussi à maintenir la PAC, pas seulement jusqu'en 2006, mais jusqu'en 2013, même s'il y a des pays qui voulaient la faire sauter", a estimé le chef du gouvernement espagnol. Le maintien de la PAC sous sa forme actuelle jusqu'en 2006 a été rendu possible par l'accord conclu juste avant l'ouverture du sommet de Bruxelles entre la France et l'Allemagne, aux termes duquel Berlin a tempéré sa propre exigence d'une réduction la plus rapide possible des dépenses agricoles. "Il était clair que nous voulions stabiliser nos dépenses agricoles mais il était tout aussi clair que cela ne pouvait que faire partie d'un compromis", a reconnu le chancelier allemand Gerhard Schroeder. La double interrogation qui prévaut désormais à Bruxelles porte sur la durée effective du succès enregistré par Jacques Chirac et sur le risque que le maintien après 2006 d'environ 40 milliards d'aides directes représente pour l'UE devant l'Organisation mondiale du commerce (OMC). "Le plafonnement ne suffira pas pour l'OMC", prédit déjà un proche de M. Fischler, en soulignant la détermination des principaux concurrents de l'Union sur le marché mondial (Etats-Unis, Canada, Australie, Brésil, Argentine) à combattre les subventions agricoles européennes. L'entourage du commissaire européen veut croire que "M. Chirac n'a pas tué la réforme de la PAC" et se dit prêt à "continuer à se battre" dans une négociation qui "sera difficile". Après la réconciliation franco-allemande, la Commission peut encore compter sur le soutien du Royaume-Uni, des Pays-Bas et de la Suède. Le Premier ministre britannique Tony Blair a laissé augurer au sommet de Bruxelles une nouvelle bataille à plus ou moins brève échéance, en accusant la PAC actuelle de "nuire aux pays en développement" à l'heure où "le monde va dans une seule direction: la libéralisation". |